Un président en temps de guerre
مساحة حرة AUG 23, 2014
La République porte son propre deuil. Le Palais présidentiel sombre dans la ruine et la désolation. Prise en otage par les interprétations sournoises de la démocratie consensuelle, la présidence de la République est saignée à mort. Le quorum faisait défaut à quelques députés près, le vide se faufile et s’installe. Avec chaque jour qui se lève, le sourire du Guide de la Révolution  s’élargi. Et pour l’ironie, ce démantèlement étudié de la République libanaise se fait avec la bénédiction de l’autoproclamé défenseur des chrétiens, le général révolutionnaire du changement de Taef et de la réforme du Fakih, ce même général qui s’est dernièrement versé dans la science de la jurisprudence ratée. La pourriture est monnaie courante aujourd’hui. Pire encore, avec chaque interaction qui se fait dans l’absence d’un président, la preuve de l’absurdité de cette institution se fait. Pourquoi un président chrétien alors que, finalement, preuve à l’appui, nous n’en n’avons pas besoin.

1982. La guerre. Les combats. Israël. Syrie. La déchirure libanaise. Les frères ennemis. La ligne de démarcation. L’Organisation de Libération de Palestine. Beyrouth Est. Beyrouth Ouest. Le sang. Les cendres. L’odeur de la mort, la vraie.

Pourtant, les députés se réunissent. Le quorum est atteint. La séance débute. Un à un, ils se lèvent et glissent le bulletin dans l’urne. L’ancien président de la République. Le père du candidat, son frère ainé. La référence en droit constitutionnel. L’homme au perchoir. Le décompte se fait dans le silence. Le jeune seigneur de la guerre attend. Il obtiendra 58 des 62 votes exprimés et son élection à la présidence sera déclarée par Kamel Assaad.

Liesse générale. Bachir était aimé, adoré. Son jeune âge, son charisme, son parcours en font un dieu parmi ses hommes. Il fête sa victoire avec eux. Président, il se mêle à ces soldats auxquels il doit sa renommée et sa gloire.

Il réussi sa transition dans le respect de ses valeurs. Il donne un sens au terme le plus vulgarisé de la région. Le jeune président est nationaliste, mais nationaliste libanais. Il parle dans ses premiers discours de président d’un seul Etat pour les chrétiens et les musulmans, d’une république libre de toute intervention étrangère, libre de ses ennemis et de ses frères. L’Etat de Bachir n’a de devoirs qu’envers les libanais, tous les libanais, sans distinction aucune.

En quelques jours, les prémices de cet Etat se font voir. Bachir impose l’Etat à ses hommes auxquels il interdit le revêtement du costume militaire des Forces Libanaises et le port d’armes en public. Sous lui, ne seront armées que les forces de l’ordre et l’Armée Libanaise. Yasser Arafat quitte Beyrouth pour Athènes, la ligne de démarcation est brisée, l’armée libanaise pénètre dans Beyrouth Ouest pour la première fois en une décennie et dans le camp palestinien de Bourj el Barajneh duquel elle fut bannie par les accords du Caire de 1969, le port reprend son activité. C’est une renaissance. C’est la république attendue. C’est le rêve qui finira dans le sang.

L’élection de Bachir ne se comprend qu’à travers son assassinat. Sa mort complète le cycle de sa vie et de son temps. Il devient par son décès une étape de l’histoire du Liban, cette histoire d’espoir, de rêves et de cauchemars.

Ce n’est pas son élection que nous devons commémorer mais sa mort. Il ne s’installera jamais dans le palais présidentiel, ne recevra pas les ambassadeurs, ne prendra pas de photo en costume officiel, ne prêtera pas serment. Il ne sera président, mais tout simplement un homme, un soldat, qui, à lui seul, a représenté les rêves et les aspirations de toute une génération
مساحة حرة AUG 23, 2014
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