Nous avons toutes rêvé au prince charmant. Toutes, ou presque. Il y en a qui ont rêvé à la princesse charmante. Bon, les gouts et les couleurs ne se discutent pas. Portia DiRossi nous le prouve chaque jour. Bref, nous avons rêvé du prince charmant venant nous délivrer d’une quelconque réalité. Il arriverait sur son destrier blanc, nous saisirait, nous prendrait dans ses bras, nous installerait en amazone – ah les petites filles modèles ! – et s’envolerait avec nous vers un royaume où tout est parfait et scintillant. Puis, nous nous marierons et aurons beaucoup d’enfants.
Dans notre innocence amoureuse d’enfants encore immatures et inexpérimentés, nous ne réalisions pas que c’est le pouvoir du jeune prince qui nous attire, ce pouvoir de nous délivrer de la méchanceté d’une marâtre, de la jalousie de belles-sœurs, ce pouvoir de défaire un dragon maléfique ou ce pouvoir de nous assurer une place dans un monde qui n’est pas le notre. J’ai soudain envie de ressortir mes poupées. Toutefois, je dois admettre que les princes de notre enfance étaient beaux. La beauté explique, de façon certes officielle mais innocente, l’amour au premier regard et les noces impromptues.
Mais nous sommes assez conscients aujourd’hui pour reconnaitre haut et fort que Bill Clinton et François Hollande sont fortement résistibles et indifférents à une belle histoire d’amour.
.jpg)
Il était une fois, dans un pays fort lointain, un empereur dont le règne touchait à sa fin. Il rencontra un jour une jeune fille qui tomba éperdument amoureuse de lui. Ils s’aimèrent partout dans son palais, surtout dans la salle du trône. Son amie, jalouse, fit un pacte avec un puissant sorcier pour les séparer. Mais la force de leur amour leur permit de surmonter vaillamment les cabales. Finalement, ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.
Telle est la fin que la jeune Monica Lewinsky avait imaginée à sa liaison avec le président Clinton. A genoux, la stagiaire avait oublié que le président était marié, et que son épouse n’est nulle autre qu’Hillary Rodham. Bill n’était plus à vrai dire un jeune premier. En tant qu’amant, il n’avait rien de mieux qu’une liaison clandestine à offrir. Eblouie par le président et puis par la proximité du pouvoir, Monica partage son secret avec « une amie » qui lui conseille de conserver une pièce à conviction. Ce fut la fameuse infâme robe bleue tachée du sperme du président des Etats Unis. Comble de l’ironie, la scandaleuse maitresse américaine se réfugie dans la résidence de sa mère, le Watergate Complex.
Seize ans plus tard, Hillary Rodham Clinton est l’une des figures politiques les plus proéminentes du monde. Il se peut qu’elle devienne la première présidente des Etats Unis. Bill Clinton, qui a mené son second mandat à terme, est devenu conférencier. Quant à Monica, elle essaie sans succès de revendre son histoire tout en prétendant vouloir aller de l’avant, n’a pas fait de carrière, et sombre dans l’oubli. Pour consoler sa vieillesse solitaire, elle pourra toujours se dire qu’elle a « fait l’amour » dans le Bureau Ovale.

Le pouvoir est le seul facteur qui puisse expliquer cette relation. Fellation ou pénétration, telle a été longtemps la question. Et en se penchant sur le détail de la liaison dont la qualification de sexuelle a causé la polémique, l’impair extraconjugal et ses causes se perdent.
L’ancienne première dame, après avoir giflé son époux et l’avoir traité d’imbécile et de salaud, lui aurait prétendument demandé de quel droit il avait risqué sa présidence pour « ca », en d’autres termes pour quelques secondes de plaisir éphémère en compagnie d’une femme stagiaire amoureuse et consentante.
Réflexion faite, sans le pouvoir conféré par sa présidence, et malgré ses liaisons antérieures prétendues, Bill Clinton aurait pu contrôler ses pulsions. L’interdit tente. Les lois encouragent la transgression. Le risque embrase les sens, excite. Le pouvoir est un aphrodisiaque.
Gardons à l’esprit que notre quotidien est peuplé d’exemples illustrateurs. Le pouvoir est une notion relative. Dans chaque jeu où le sang est plus ambré que le vin, où la défaite est absurde et la victoire ridicule, où la plume trace un nom au bas d’un document, le pouvoir est un enjeu. Et le pouvoir suppose des passions mal contenues et des aventures sans lendemain.